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Il y a, dans toutes les pièces de Genet un authentique sens du danger qui nous captive tout comme les accidents et les scènes de violence dans la rue peuvent avoir sur nous une force d’attraction morbide. Dans Les Bonnes, cette sensation est d’autant plus forte que Genet s’est inspiré d’un fait divers sordide : celui des soeurs Papin qui assassinèrent sauvagement leurs patronnes au Mans en 1933 et que le magazine Détective surnomma « les brebis enragées ».
De cette affaire qui défraie la chronique et passionne psychanalystes, auteurs, poètes, chanteurs et réalisateurs d’alors et d’aujourd’hui, Genet tire un « long suicide déclamatoire » :
Deux soeurs, Claire et Solange Lemercier, employées dans la même maison, s’enferment dans un monde de fantasmes nourri par des lectures aussi bien romanesques que de journaux à sensation. Leur jeu de rôle se cristallise autour du désir de meurtre de leur patronne. C’est dans une outrance jubilatoire qu’elles la parodient, dans des numéros clownesques où Solange joue Claire et Claire, Madame. Claire emprunte les robes, les mots, le maquillage et les attitudes de Madame et Solange ceux de Claire. Elles écrivent des lettres de dénonciation, font enfermer Monsieur en inventant les verbes les plus fous. Mais les objets mêmes les trahissent, leur machination se retourne contre elles, entre la bassesse de l’évier et la grandeur de la Vierge, on les voit se débattre dans cette machine infernale. Les soeurs Lemercier, telles les soeurs Papin (qui énucléèrent leurs patronnes) s’enfoncent dans leur délire, évoluant constamment entre idées de grandeur et de persécution. Se sachant bientôt dévoilées aux yeux du monde, elles abandonnent l’outrance clownesque dans laquelle elles ont pu se vautrer. Entre schizophrénie et paranoïa, se rêvant incendiaires adulées par une foule de concierges, meurtrières condamnées à la prison, elles accomplissent une dernière cérémonie qui leur sera fatale.
Eric MASSE

Des mots sur les maux. Tricotés avec fébrilité et verve, dans une démarche mêlant l’esthétique du théâtre de l’absurde à des techniques du théâtre clown, le tout au scalpel de dialogues incisifs. « Les Bonnes », pièce créée en octobre 2016 et qui sera jouée en sélection officielle du Masa 2018, est dans la veine des productions antérieures de la compagnie Dumanlé qui, dès ses débuts en 2012 n’a de cesse de jeter une lumière crue sur les déliquescences qui minent la société.
Après « Ma rivale », « Cond’hommes », « En mode célibattante », le spectacle Les Bonnes donne à voir et à entendre cette fois les intrigues et les tragédies qui se nouent dans le monde voilé des domestiques.
Yolande ABY
SOULEYMANE SOW, LA COMPAGNIE DUMANLE ET L’EMERGENCE DE LA NOUVELLE GENERATION
Les liens entre Souleymane Sow et la Compagnie BlonBa remontent à l’édition 2016 du Masa, le grand festival abidjanais des arts de la scène. La pièce Ala tè sunogo (Dieu ne dort pas), bien connue des spectateurs de l’Arlequin, y est sélectionnée et c’est à Souleymane Sow qu’est confiée la mission d’accompagner les artistes maliens dans la capitale ivoirienne. Une connivence s’établit très vite avec cette étoile montante du théâtre africain, passionnément attaché à l’ancrage de son travail dans la vie artistique de son pays, la Côte d’Ivoire. Depuis, les créations de Souleymane Sow et de la compagnie Dumanlé ont conquis le public et recueilli de nombreuses distinctions. La programmation de Les Bonnes dans le mois de BlonBa répond à la volonté de soutenir l’émergence de la jeune création africaine, comme le fait au Mali même le programme « La création en 1000 jours ».
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